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« Ce polar engagé, préfacé par Marie Van Moere et justement salué par Maud Tabachnik, trace des lignes qui se conjuguent dans un réseau où l’on peut croiser Après Dolorès de Sarah Schulman, King Kong Théorie de Virginie Despentes et d’autres de cette veine. On appelle ça « le polar lesbien ». Mais qu’importe comment et pourquoi quelques critiques rapides expédient un genre dans une case. Car l’intérêt de JNAPPP déborde les catégories qui enferment ce qui pourtant ne demande qu’à sortir.
Ce polar est d’un genre discret et majeur. Discret parce qu’organisé en séries de discontinuités qui s’interpellent. Majeur comme un grand roman populaire. Il permet de traverser mille problématiques. Ici, le genre est maîtrisé à un point de limite tel que de grandes questions d’aujourd’hui (violence, homophobie…) sont abordées avec la crudité des faits juridico-policiers. Ainsi, le style trash et pudique. Ainsi, la virtuosité des registres d’écriture : le poème, le journal, la narration, les expressions hashtag et les communications arobase. Ainsi, des personnages authentiquement campés, réels, vrais, sensibles et touchants, si tant est que les cons authentiques (peu sensibles et peu touchants) aussi campent dans leur forteresse de méchancetés…
L’intrique part d’un fait qualifiable de divers. Sauf que ce divers-là est aussi un fait social, mieux: un fait bassement et lâchement animal, bestial. Le viol. Fait inqualifiable et encore trop tabou.
Dans JNAPPP un fil semble se dérouler. C’est le fil de la justice. On comprend dès lors la rivalité entre l’enquête officielle de la police officielle et les enquêtes rivales d’artistes geeks qui vont officier officieusement. Cette tension, une certaine lecture pourra en savourer les effets tragi-comiques. Car l’auteure invite le lecteur à devenir l’enquêteur même.
Très actuel, au sens le plus nietzschéen du terme revisité par Foucault, ce roman, fort, éblouit par sa pertinence et son humanité. Clint Eastwood dans la peau d’un drag-queen, la Lisbeth Salander de Millenium ici se démultiplie. Et l’on se prendrait volontiers à rêver qu’un Sidney Lumet en fît un grand film.
« Sid vient de mettre un point final à son rapport. Tout à l’heure elle l’enverra sur le réseau et, demain matin, le document partira par mail chez tous les flics de France. » #Jenaipasportéplainte – un réveil indispensable bien réglé sur des sonneries lanceuses d’alerte.«
Didier Bazy
Article de Didier Bazy – La Cause Littéraire • 23 novembre 2018
#Jenaipasportéplainte – Marie-Hélène Branciard – Préface de Marie Van Moere – 17,50 € (Livraison gratuite) – Septembre 2016 – Éditions du Poutan.